En des glyphes formels, ici, le Geste épouse la Parole.

En un Geste hésitant, ici, le signe opère sur le nombre comme sur le monde.

Voici un lieu du verbe en acte, théâtre de la construction du sens par la forme...

Un terrain de jeu de la mathématique, connaissance élaborée par opposition à l'expérience reçue...

...Et c'est aussi le site de classe de la MP* du lycée Chaptal !

 

Geoges Green, lui ne parle pas de "champ". Ne parle pas de lui. Ne parle pas.

Son mémoire est abstrait, sans nom, silencieux. Mais bien sûr, il lui fallait bien voir ce que décrivent ses formules muettes.
Son œuvre n'est pas seulement le palais idéal d'un facteur Cheval, créé caillou après caillou, ramassés au bord du chemin pour tromper -d'un rêve magnifique- l'ennui et la pauvreté du quotidien. Ce n'est pas non plus le fruit d'un hasard miraculeux.

...c'est l'œuvre  prédestinée à un Meunier.

Je l'imagine, perdant petit à petit conscience de soi et gagnant la conscience de la terre et du ciel à force de solitude, Georges Green, homme sans lettres, (comme se désignait Léonard de Vinci, faute de parler latin), lit les comptes rendus de l'académie des sciences : il lui faut cette difficulté extrême pour meubler son désert de gardien de phare, supporter cette attention permanente au presque rien. Il oublie ses reins brisés par le poids des sacs de farine dans la lecture d'Ampère, de Poisson, et du grand livre du vent.

Ce fluide de lignes qu'imagine Faraday,  (qui lui ne les voit pas), pour penser les forces qui animent ses bobines et ses aimants d'une vie propre... George Green, qui n'a fait qu'en rêve les merveilleuses expériences dont il lit les descriptions, ces lignes, Georges Green les perçoit avec la même évidence qu'il voit en rêve les rides à la surface de la Trent et de la Leen, où il se baignait et où il péchait, enfant.
Durant des années, heure après heure, jour après jour, Georges Greene apprend à voir le vent invisible, à lire les lignes mouvantes que le vent peigne dans les blés des champs autour de son moulin. Il apprivoise ses tourbillons, apprend à mesurer à son chant le flux du vent coupé par les ailes de son moulin, auquel est proportionnel le travail de la meule...

Et en quelques dizaines de pages de formules hiéroglyphiques, il transcrit la partition de cette musique silencieuse, décrit cette image invisible, et envoie sa prière au monde en un chapelet d’une centaine de ballons lâchés dans le ciel désert.

 Thomson et Stokes seront anoblis, Faraday d’origine très modeste, le refusera, comme il refusera la direction de la Royal Society. L'œuvre  immense du baronnet J.C. Maxwell est universellement reconnue comme la charnière, en tout domaine, entre la physique "classique", et les révolutions du vingtième siècle. Stokes fondera la dynamique des fluides.
Riemann, géant des mathématiques, a donné une première vraie démonstration de la formule de Green, comme corollaire de sa création de la première théorie moderne de l'intégrale, et sa théorie des variétés permettra celle de la formule de Stokes actuelle. "L'hypothèse de Riemann" et la résolution des "équations de Navier-Stokes ", sont aux mathématiques actuelles ce que la pierre philosophale et l'élixir de longue vie furent aux alchimistes.
D'inombrables rues, des batiments, des instutions portent leurs nom glorieux.
De Georges Green, on n'a aucune image, aucun manuscrit.

De tous, Georges Green a le plus grand mausolée : parce qu'il a effleuré le monde-même, chaque fois que le grincement d'une charpente sous le vent me ramène aux racines de l'humanité, chaque fois que le ruissellement ondoyant des feuilles d'un peuplier ou d'un saule dans la lumière d'orage nous plonge dans l'oubli de soi, c'est le monde-même qui chante la navigation immobile de Georges Green sur son océan de blé, toutes les voiles de son moulin déployées.

 

2 7 Juillet 2012              
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