En des glyphes formels, ici, le Geste épouse la Parole.

En un Geste hésitant, ici, le signe opère sur le nombre comme sur le monde.

Voici un lieu du verbe en acte, théâtre de la construction du sens par la forme...

Un terrain de jeu de la mathématique, connaissance élaborée par opposition à l'expérience reçue...

...Et c'est aussi le site de classe de la MP* du lycée Chaptal !

 

Ce que « racontent » ces formules est à la fois très concret et très délicat à transcrire dans une autre langue que la mathématique : plus on s’éloigne de la géométrie pure, de l’image, plus le langage naturel fait défaut. Il est donc plus difficile de décrire le mouvement qu'une image statique, le mouvement d’un objet complexe que celui d’un point… Or, ces formules décrivent (en partie) le mouvement d’ensemble d’un fluide élastique,  et encore, d’un « fluide » lui-même abstrait : un « champ de vecteurs».

Le lecteur non-scientifique devra peut-être renoncer à se faire une idée précise de ce que décrivent ces formules, mais j’ai essayé pour lui de faire sentir à la fois leur sens et la difficulté de le transcrire. Le lecteur scientifique me pardonnera les approximations nécessaires pour m’exprimer en langage naturel.
Si je réussis à évoquer la vision, la sonorité, sans dessiner une image nette ou faire résonner une mélodie articulée, cela suffira à transmettre l’émotion qui m’a étreint en découvrant qui était Georges Green.

Depuis des années, je me refuse à présenter en cours la démonstration usuelle, très partielle, de la formule de Green-Riemann telle qu'elle est au programme :
cette preuve, valable sous des hypothèses très artificiellement restreintes, n'a aucune valeur explicative et n'apporte pas de sens à la formule. Mais je m'interrogeais sur la possibilité de donner au moins une preuve heuristique, à l'instar des physiciens pour "leurs formules de Stokes", preuve qui aurait le mérite d'être convaincante et éclairante, à défaut d'être rigoureuse. Puis je desespérai de pouvoir apporter quelque chose de pertinent au « raisonnement  physicien ».
Voici l'étrangeté majeure sur laquelle je butais, comme beaucoup ceux qui envisagent une tentative semblable :

À travers les formules qui définissent analytiquement la divergence et le rotationnel d'un champ, il est presque impossible de "voir" leur sens  :
--- pour la divergence, c’est « la mesure de l'étalement de la "gerbe" des lignes de champ »,
--- pour le rotationnel, c’est « la mesure de la vorticité locale du champ » (i. e. la façon dont champ, analogue d'un écoulement fluide, tourbillonne au voisinage de chaque point).
[pour un liquide, l’incompressibilité se traduit localement par la nullité de la divergence, qui mesure, pour  "un fluide élastique", sa "dilatation ou compression  locale"].
Ce qui permet (en général) de faire voir ce « sens caché »  à travers les « définitions analytiques, aveugles »  de la divergence et du rotationnel,  ce sont justement les formules de Stokes-Ampère et Green-Ostrogradski. (Et encore, difficultueusement, il faut des années pour rendre parfois clair cet entr'aperçu aux étudiants).  
Autrement dit : il faut d'abord interpréter les théorèmes pour pouvoir donner une image des objets sur lesquels ils portent.

Puisqu'il fallait disposer des théorèmes pour en voir le sens, on ne pouvait guère s'appuyer sur ce sens pour trouver ces théorèmes... Essayer de comprendre comment ils avaient pu être découverts m’a plongé dans un abîme d’étonnement.
Est-il possible de trouver d'abord un théorème, et de n'en comprendre le sens qu'a posteriori ?
Oui, on trouve parfois la preuve, le chemin vers le résultat avant le résultat lui-même, pour peu que la démonstration soit facile, que  le chemin soit assez clairement tracé pour, à notre insu, nous faire déboucher de fourrés obscurs dans une clairière lumineuse qu'on ne pressentait pas...

Mais dans le cas des formules de Stokes, une telle « découverte heureuse »  est invraisemblable :
Il faudra attendre plus d'un demi-siècle entre la découverte et l'exploitation de ces formules comme soubassement de l'électromagnétisme et de la dynamique des fluides, pour qu'on en trouve une démonstration rigoureuse.
Plus encore, pour qu’elles apparaissent comme cas particuliers « naturels »  de la formule « simple » générale
\(\int_{\Omega}{\rm d}\omega=\int_{\partial\Omega}\omega\) ], il  faudra quelques décades de plus, et un formalisme poussé qui coupe totalement la version "mathématiquement moderne" de la forme et du sens « concret » qui ont présidé à leur découverte.

Les formules de Stokes semblent être un jardin d'Eden parfaitement entretenu au cœur d'un taillis inextricable qui en interdirait l'accès.

Je me suis vite convaincu que les physiciens ne sont arrivés à ces résultats, que poussés, tirés, mus, par le principe de réalité, par la nécessité de mathématiser l'idée de champ, création informelle et visionnaire de Faraday. Mais cette conviction sur le pourquoi n'explique rien du comment :
la preuve "heuristique des physiciens" est assez facile à suivre, mais son point de départ reste invisible.
Si le calcul par "éléments infinitésimaux, de surface ou de volume" des intégrales de surface du rotationnel et de la divergence, sont des exemples typiques de raisonnements classiques de "calcul infinitésimal naïf" (proche de sa naissance), conservé vivace par les physiciens, cela n’explique en rien la raison pour laquelle on aurait  voulu calculer ces intégrales de "grandeurs abstraites", privées de "sens a priori", puisque le sens n'en apparaîtra qu'a posteriori,  révélé par le résultat du calcul.