En des glyphes formels, ici, le Geste épouse la Parole.

En un Geste hésitant, ici, le signe opère sur le nombre comme sur le monde.

Voici un lieu du verbe en acte, théâtre de la construction du sens par la forme...

Un terrain de jeu de la mathématique, connaissance élaborée par opposition à l'expérience reçue...

...Et c'est aussi le site de classe de la MP* du lycée Chaptal !

Index de l'article

Je venais de me plonger dans deux textes sans autre lien a priori que la concomitance de leurs lectures, sans intention particulière :
D'une part, celui de l'Universalis sur Archimède, car à l'occasion d'un quelconque article le mentionnant, je m'étais rendu compte que je n'en connaissais qu'une image très creuse, et de l'autre, une très brève nouvelle de Kafka, (Prométhée), troisième volet d'un triptyque sur la légende [La vérité sur Sancho Pança, Le silence des sirènes, Prométhée].
Cet opuscule de Kafka (que je citerai  in extenso), comme  chacune de ses perles, m'avait plongé dans une rêverie profonde, cette fois sur "comment le mythe cache ce qu'il révèle, et la parole tait ce qu'elle énonce".

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La courte biographie d'Archimède m'avait, elle, plongé dans une admiration enthousiaste.

On doit à Archimède une quinzaine de traités dont une douzaine ont été conservés ou reconstitués. Ses travaux couvrent l'ingénierie et l'architecture, la géométrie, la numération, la statique des solides et les fondements de l'hydrostatique, la catoptrique (ancêtre de l'optique)... On lui prête l'invention de la pompe à vis sans fin, (peut-être due aux égyptiens);  son utilisation de miroirs ardents pour enflammer les voiles de la flotte de Marcellus est sans doute une fiction.
Par contre, sa construction d'un calendrier astronomique perpétuel, très précis, qui semblait incompatible avec la technologie de l'époque, est devenue vraisemblable, en 2008, depuis qu'on a élucidé le mécanisme de la machine d'Anticythère (circa -150), dont la machine d'Archimède serait le prototype.
Pour justifier ses encadrements du rapport  π de la circonférence et du diamètre d'un cercle par celui d'un polygone inscrit ou exinscrit, il invente la notion extraordinairement moderne de convexité, et démontre que le périmètre d'un convexe est plus petit que celui d'une figure qui le contient. Son calcul de l'aire des "segments" de parabole, la "pesée" (calcul de volume) de la sphère, du cône, des ellipsoïdes... introduisent des idées qui préfigurent la théorie moderne de la mesure et de l'intégration, et il faudra près de dix-neuf siècles pour poursuivre plus loin que ce qu'il a atteint. 
Il donne souvent de ses résultats deux ou trois démonstrations différentes, selon ses termes, "géométriques", "mécaniques", ou "expériences de pensée" : il est sans doute aussi le premier penseur de la complexité des liens entre vérité, démonstration, évidence, réalité, intellection, perception, etc..., et consciemment ou pas, tous ceux qui travailleront sur la question sont ses descendants immédiats.
Lorsqu'Archimède décrit l'équilibre des corps flottants, il ne donne pas les conditions d'équilibre d'un corps isolé, mais bien de l'état de repos global de la Terre, de l'Océan : il ne dissocie  jamais l'objet de son étude de la globalité du monde dont il est partie prenante, et sans le dire,  il se dépeint jusqu'au fond de l'âme dans un triangle, un levier, un rayon lumineux, l'écume des vagues. 

Je ne développerai pas ici plus avant l'exposé de cette œuvre sans égale, car ce n'est pas mon propos, et cela a été très bien fait par ailleurs, [Le trésor d'Archimède par B. Bettinelli, Irem de Besançon, par exemple].
Mais à la lueur du récit qui va suivre, en annexe,  je reviendrai sur un fil qui tisse l'unité profonde de toutes ses explorations...  

Le texte de Kafka :
On rapporte l’histoire de Prométhée dans quatre légendes.
Selon la première, il fut enchaîné dans le Caucase pour avoir trahi les dieux au profit des hommes, et les dieux envoyèrent des aigles qui dévorèrent son foie, lequel repoussait toujours.
Selon la deuxième, Prométhée, souffrant des coups de bec qui le déchiquetaient, s’enfonça toujours plus profondément dans le rocher jusqu’à ne plus faire qu’un avec lui.
Selon la troisième, sa trahison fut oubliée au cours des millénaires, les dieux oublièrent, les aigles oublièrent, lui-même oublia.
Selon la quatrième, on se fatigua de ce qui avait perdu sa raison d’être. Les dieux se fatiguèrent, les aigles se fatiguèrent, la plaie, fatiguée, se referma. Demeure le rocher, inexplicable.
La légende essaye d’expliquer l’inexplicable. Comme elle vient d’un fond de vérité, elle doit revenir à l’inexplicable.

 
La concomitance de ces textes avait éveillé en moi une résonance diffuse,  même pas une question, juste un étonnement distrait :
Quelle vérité profonde, au point de ne pouvoir être transmise que par la légende,  érige en mythe Archimède surgissant du bain sous le choc de la découverte, en représentation comique et universelle du "savant", au point d'occulter tout le reste de sa création ? 
Et même de cette scène minuscule, on ne conserve que l'image d'un vieillard courant nu dans les rues de Syracuse, criant "Euréka" (j'ai trouvé)  à la face du ciel, en effaçant jusqu'au souvenir de la découverte : presque tout le monde pense qu'il s'agit du principe de la poussée d'Archimède (Tout corps plongé dans l'eau subit vers le haut une poussée égale au poids de l'eau qu'il déplace), alors que selon le récit apocryphe de Vitruve, par qui l'histoire passe à la postérité, la trouvaille semble bien plus anecdotique :

 

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Un coup de dés...

— ENTRE DEUX MIROIRS —
INTRODUCTION À LA BIBLIOTHÈQUE DES MYSTÈRES


Deux miroirs semi-transparents :
l’un cache derrière lui les tréfonds de votre esprit, l’autre fait écran entre l’Univers et vous. De multiples reflets de motifs lumineux vous submergent.

Ces taches rouges sur l’écran sont-elles les restes d’une galaxie morte, lointaine de plusieurs millions d’années-lumière, qui se consument, ou bien votre vision mentale, éblouie par les braises rougeoyantes de peurs et de désirs reptiliens, vieux de plusieurs millions d’années, dans une chambre cachée de votre cerveau ?

Perdu…
...mais scrutant profondément les ténèbres de l’espace anonyme,
ni à l’intérieur ni à l’extérieur de ce que vous appelez « moi-même »,  vous percevez des chuchotements sans son, des visions sans lumière – l’Univers –,  se reflétant dans les miroirs des esprits des autres, essayant de vous parler dans un langage fait d’invisibles et silencieux cordons de symboles hiéroglyphiques.

Douloureusement, avec effort, presque comme dans un rêve, vous vous apercevez que les symboles sont des mots, et les miroirs des livres.
Vous entamez la lecture, et votre conversation avec l’Univers commence.

Misha Gromov.