En des glyphes formels, ici, le Geste épouse la Parole.

En un Geste hésitant, ici, le signe opère sur le nombre comme sur le monde.

Voici un lieu du verbe en acte, théâtre de la construction du sens par la forme...

Un terrain de jeu de la mathématique, connaissance élaborée par opposition à l'expérience reçue...

...Et c'est aussi le site de classe de la MP* du lycée Chaptal !

«Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu'eux, non parce que notre vue est plus aigüe ou notre taille plus haute, mais parce qu'ils nous portent en l'air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque.»....

(Attribué à Bernard de Chartres env.1120)

Nous avons été mis au monde plus d'une fois.
Les Dieux ont créé le monde, les géants nous l'ont offert.
Nous voyons le jour : notre mère nous a donné le jour, mis au monde.
Puis les Géants nous ont hissés avec bienveillance sur les épaules, d'où jouir de la vue.
Ce que nous voyons, perchés sur le toit de leur humanité, est ce qu'ils nous donnent à voir, ce qu'eux mêmes sont allés cueillir pour nous aux racines du réel et de l’imaginaire.


J’en ai aperçus de face, et je ne saurais rendre compte de ce que j’ai entrevu, de leur immensité aveuglante. Je me sens par exemple incapable de chanter l’art d’un Riemann, d’un Rimbaud.
Mais certains d’entre eux, qui se sont élevés à la hauteur des Illuminations, se sont penchés avec tendresse pour nous prendre sur leurs épaules, ont protégé de leurs mains nos yeux de la violence de la lumière primitive, pour nous permettre de suivre au loin leur regard.
Leurs révélations ont parfois été de tels bouleversements de l’humanité, que ces mises au jour ont enfoui leurs auteurs dans l’anonymat de la légende.
Dans leur générosité, ces êtres prométhéens nous permettent de ressentir l’exaltation naïve de leur découverte, nous laissant ignorer que le paysage qui s’ouvre devant nous est leur œuvre, leur propre chair offerte en sacrifice à l’oubli, pour que nous soit préservée la joie de re-découvrir « par nous même ».

C’est ainsi que, lorsque je vois la ligne d’horizon, Léonard de Vinci m’offre de ne pas savoir qu’elle est dessinée par son regard.


Que lorsque le Nombre me devient énigme et harmonie, c’est parce que Pythagore s’efface derrière le rideau, et que quand le nombre réel se fait fluide, Simon Stevin fait silencieusement merveille de la non-merveille.


Que chaque fois que j’allume la lumière, que je tape un caractère sur un clavier, l’étonnement évanouit les fantômes bienveillants de Faraday, d’Edison, de Gutenberg.


Que chaque fois que l’eau me porte à l’oubli de soi, Archimède m’y a déposé.

Que chaque fois que je célèbre, je ne cite pas Rilke, et que tout cela ne devient pas du destin.

Que chaque fois que je découvre qu’un mot m’a, à mon insu, emporté d’un de ses sens à un autre, j’ai été emporté par Saussure ou Freud, sans qu’il y ait eu d’obole à verser pour le passage.



Or, je veux verser mon obole.



Je veux essayer de dire l’immense reconnaissance que je voue à Archimède, Villon, Lagrange, Georges Green, Fermat, Frege, Lewis Carroll, Euler, Emmy Noether, Kafka, Munch, Stevin, Clarice Lispector, Leibniz, Jarret, tant d’autres encore…

Comme de parent à enfant, ils ont passionnément aimé le monde, ont métabolisé cet amour en le lait de la connaissance, le pain de la compétence, le miel du rêve.

Et ils nous ont nourris, sans autre retour que de nous voir s’envoler de leurs propres ailes, sans demander que nous leur rendions grâce.

Je veux rendre grâce, pour moi-même :

Parce qu’en nous donnant en partage l’amour du monde, ils nous ont aussi donné de grandir à notre tour en les aimant, et que les célébrer nous hisse sur leurs épaules.

Bien trop lentement, donc, j’essayerai de consteller « En Geste » des traces de leurs pas.