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Vous êtes en Geste, sur le site personnel de

Pierre François Berger.

Pour l'instant, et sans doute pour longtemps encore,
c'est à peine une esquisse de ce que cela veut être.
C'est un trop vieux projet, une trop fraiche réalisation,
pour ne pas partir dans toutes les directions à la fois,
qui n'en font qu'une.
Cette coquecigrue est donc composée d'amis et de
mathématiques, de textes et de cailloux, de morts et
de technique, d'enseignement et de paresses, de plumes
de nacres, de champignons, de calembredaines et de
saisissements, de moments de grâce, de doutes d'erreurs ...


Mais il faut bien, pour qui ne fait que passer,
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quelque part, donc : voici une raison d'être de ce site...

 


 



\int_0^\infty e^{-t^2} dt=\frac{\sqrt{\pi}}{2}



Je suis ici, sans doute un peu malgré moi, mais pleinement, prof de maths.

Depuis toujours, je compose mes propres textes de travail, rarement originaux sur le fond, mais souvent sur la forme :

Il semble étrange au novice qu'alors que le discours mathématique a une telle réputation d'objectivité qu'il semble pouvoir se passer totalement d'auteur, (et même à la limite d'auditeur ou de lecteur), il est pourtant presque impossible de bien entrer en mathématiques par le texte traditionnel, qui semble se suffire à lui-même, sans être porté par un enseignant.

C'est qu'en fait, le traité classique ne présente que l'objet produit par les mathématiques, et non la production, et selon le canon de l'esthétique mathématique dominante, le produit mathématique achevé se doit d'être parfait, atemporel, dépouillé d'affect, d'histoire, d'enjeu, d'aspérité, c'est un corpus de réponses qui, devançant tout questionnement possible, efface ainsi le cheminement tortueux qui l'a engendré... La perfection, le parfait, est un temps du passé, celui de ce qui n'a plus cours, de ce qui est figé.

Or, les mathématiques réelles sont pur mouvement, agitation, fouissement, recherche, doute, déplacement, transmutation.
Le «texte canonique» dit bien ce vers quoi tend le mouvement de la pensée mathématique, mais efface toute la tension en semblant atteindre son but.
Il faut dire qu'il fait admirablement semblant...
Une des singularités de la langue mathématique est que sa sémantique (son contenu) est entièrement constitué des plis et replis de sa syntaxe, et que nous engendrons constamment notre propre langue, localement reconstruite, réadaptée à ce qu'on veut lui faire dire. Lorsque l'étudiant voit un théorème profond couler de source des prémisses d'une théorie, au point que, s'il est assez doué, il peut parfois le réinventer «de lui-même» (à sa plus grande joie, et tant mieux, car c'est un moteur puissant), alors qu'il est l'aboutissement de siècles de réflexion, c'est que les termes mêmes utilisés dans son énoncé, la syntaxe du langage dans laquelle on le formule, contiennent en eux même presque toute la démonstration, et ont été conçus a posteriori, longtemps après la découverte, pour rendre naturel ce qui a été si difficilement acquis.

Ce mode d'écriture épuré est indiscutable, beau, nécessaire, pertinent :
C'est ce qui permet de condenser en quelques années d'étude des milliers d'années d'efforts de la pensée.
C'est ce qui séduit le mathématicien débutant, avant qu'il soit laissé face à la question ouverte.
C'est la forme achevée qui seule permet de valider le cheminement, etc...

Mais cela ne permet pas plus de comprendre le faire des mathématiques, que la contemplation d'un diamant taillé ne permet de percevoir les puissances telluriques qui se manifestent dans ses reflets.

Alors qu'il semble qu'«il ne se passe rien» dans une égalité, puisque il semble évident qu'énonçant «a=b», constater qu'une chose est elle même n'est guère un progrès, dans la réalité vivante, on égale a à b, et il faut souvent un immense effort pour que a fasse b, et passer de la «forme a» à la forme bien distincte, b, d'un même «être» mathématique, qui, constitué de tous ses avatars, évolue au fur et à mesure qu'on en trouve d'autres expressions, propriétés, usages...

Sous l'atemporel «a=b» se dissimule toujours un processus de transmutation de a en b.

Le tableau noir, la craie, l'effaceur, le support de l'intonation, de la respiration, permettent à l'enseignant de mettre en scène la (le) geste mathématique, mais dans sa forme usuelle, le texte écrit n'en laisse voir que l'achèvement. Il y a de très nombreux traités d'excellente facture, mais les auteurs scientifiques qui tentent avec bonheur d'écrire la mathématique vivante sont bien rares.
(Dans les grands, on peut citer Feynman pour la physique, et Serge Lang pour les mathématiques. Tous deux sont anglophones, et morts... Mais aussi Etienne Ghys, qui fait danser l'abstraction dans un français rare et limpide, et encore Ivar Ekeland. Et sans doute d'autres que j'ignore... )

C'est ce que j'essaie de faire au niveau le plus élémentaire dans mes polys, et c'est la raison pour laquelle ils ne constitueront jamais un «cours complet», donc publiable : ce sont des éléments disparates, des bribes de dialogues, des gestes suspendus. Et cela fait bien longtemps que je pense que la souplesse de l'arborescence, non linéaire, non chronologique, mouvante, des pages d'un site, est le seul biais pour mettre ma petite production à disposition de son petit public...



GESTE

une épopée une chanson de geste
le temps d'avant naître gestation
un élan de générosité un beau geste

un pas de danse ou un geste maladroit
une écriture une gestuelle




L'Ombredindoute est une volaille d'Onirique, lointainement apparentée au dindon d'Amérique.

(Sauf que le continent Onirique existe, contrairement à l'Amérique qui n'est qu'une chimère, et que par rapport à l'Amérique, c'est complètement à l'Ouest. L'Onirique, hein, pas moi... )

Elle est sortie de son neuf au hasard d'une solution incomplète, qui présumait à tort du caractère réel d'une matrice, dans un corrigé de problème sur «le logarithme matriciel».
Or nul n'ignore qu'à l'ombre de la réflexion, les nombres réels se redoublent d'imaginaires, et qu'il faut bien ceux là pour donner corps au réel...
Depuis son éclosion, elle ne cesse de pondre des irrationnels.

Lorsque l'Ombredindoute glougloute, (son cri est assez bien rendu par «louquelouque») les portes de la perception s'entrouvrent un instant, et le nombre est rendu à l'animal, lorsqu'il est définissable, et retourne sinon sur l'île du jamais-jamais, danser avec l'Ω de Chaïtin.


En Geste est provisoirement :

Gauche, pataud, comme un caneton qui vient d'éclore. Mais en bien moins attendrissant...
Emphatique, ampoulé, bavard-balourd. C'est qu'en effet, il sort à peine de l'œuf, ébloui, après des années d'ankylose dans l'obscurité de ma caboche.
Chaque bribe veut tout dire à la fois, s'époumone à vouloir exprimer plus et plus vite que les autres, s'empêtre dans l'urgence.
C'est un Golem pas encore vivant, de la glaise qui veut marcher.

Tant pis : je dois commencer comme ça. J'accepte d'écrire d'abord à gros grumeaux de sens enchevêtrés, qui trahissent mon envie de simplicité.

Pour l'instant, ça sort du plâtre, de la coquille épaisse. Ça ne danse pas, mais se dandine avec une maladresse sans grâce.
Pour l'instant, ça réapprend à grand-peine les gestes les plus simples.
J'aime avant tout le rire partagé, et ça n'a pas d'humour.

Mais voici que cela commence, que la glaise s'ébroue, que ça remue, que ça avance peureusement vers le courage de courir un jour légèrement.

Au fil des semaines, des mois, (des années ???), je rajeunirai de mon mieux ces textes qui naissent vieux, le souffle coupé.
Mais il faut bien qu'ils émergent, et acceptent la première et douloureuse respiration, avant de devenir, ou pas, aériens.
Si vous le voulez, si je le peux, vous les verrez peut-être se couvrir de tendre duvet, peut-être de plumes.
Si cela en vaut la peine, les grumeaux deviendront cailloux, puis bulles.
Si vous m'en prêtez la patience, ils s'affranchiront de leur état de ragoût trop longtemps mijoté, et redeviendront salades craquantes,
herbes folles, lièvres et vaches joyeuses, pêches cueillies à l'arbre, carottes nouvelles, eau vive : immédiats.


En Geste sera :

A jamais inachevé, en construction... en gestation.


Un Geste vers :
Tous ceux et celles, livres et histoires, rencontres, qui m'ont fait moi-même bien plus que je ne l'aurais voulu.
(mais maintenant, je le veux bien).
Je n'oublie rien ni personne, mais je suis tissé de bien trop de fidélités pour les honorer toutes au quotidien.

Alors En Geste veut être le signe des liens jamais rompus envers ce qui me fait sans entraves :
Anciens et nouveaux élèves, (ma fontaine de jouvence), amis morts et vifs de toutes mes enfances, frères et sœurs de sang ou d'élection, tout ce qui passe, tous ceux qui passent un instant, toutes celles qui m'ont éclairé une fois d'un haussement de cheville,
ancêtres de rêves et de pensée qui me sont le point d'appui d'où soulever le monde : tous mes présents, envers chaque don qui m'a été fait.

Plus tard, peut être,
En Geste sera un (hyper)lien entre mes lieux et mes temps, mon familier et mon étranger, entre mathématiques et jardin, entre mémoire et grenouille, entre mots et libellules, entre les soulèvement du cœur et ceux de la pensée.



En l'état actuel, ce qui existe déjà :

En Geste est d'abord un outil de travail pour mes étudiants, puisqu'il faut bien qu'il y ait une gestation avant la création.
Pas d'œuvre sans ouvrier, pas d'ouvrier sans outil.
C'est donc d'abord un site utilitaire, un atelier d'artisan :

Une part de ce site, la plus importante en taille, est en accès (plus ou moins) réservé pour mes étudiants (et ceux qui le veulent) :
Les polys de cours, feuilles d'exercices, textes de problèmes, d'ADS, etc... ont peu de chance d'intéresser chaque passant.
Les emplois du temps, «colloscopes», «trombinoscopes» et autres outils de gestion de la vie quotidienne d'une classe, relèvent de sa sphère privée...

Des échantillons de textes à usage professionnel seront laissés en libre accès, pour les visiteurs profs, étudiants, ou simplement curieux.
Si cela vous intéresse, vous pourrez en vous inscrivant, avoir accès à tout ou partie de ces ressources.